Pour un moratoire d'urgence sur les data centers Energivores, peu pourvoyeuses d'emplois, les fermes de données bénéficient pourtant de nombreux privilèges. Il est urgent de réguler ce secteur avec une vraie planification territoriale et une optimisation de leur impact spatial et énergétique, estime Sébastien Barles, délégué à la transition écologique à Marseille. La question du numérique est rarement prise sous le prisme des infrastructures du numérique et de leurs impacts, bien réels sur les territoires. Or, il est prévu qu'en 2030, les data centers consommeront 13 % de l'électricité mondiale ! Limiter les impacts spatiaux, énergétiques et environnementaux des grandes fermes de données est impératif. Il est urgent de réguler ce secteur, de réfléchir à une meilleure intégration urbaine, à une planification des infrastructures numériques et à de nouvelles solidarités énergétiques locales en même temps qu'à un régime fiscal des data centers permettant de compenser pour les Etats et les collectivités accueillantes les impacts négatifs subis. A l'heure de la nécessaire sobriété, les impératifs d'efficacité et de sobriété énergétique, de circularité et de maîtrise des usages s'imposent. Il est, en effet, nécessaire face à la crise écologique que nous traversons de mesurer l'impact environnemental des choix technologiques à l'aune de leur utilité sociale. C'est toute la société du numérique et le monde qu'elle induit qui doivent être réinterrogés. Cette industrie, énergivore et prédatrice d'espace foncier précieux, génère de surcroît dix fois moins d'emplois que l'industrie manufacturière ! Les data centers de la Courneuve qui couvrent 40 000 m² ont créé seulement 120 emplois. Marseille, septième hub numérique mondial (seize câbles sous-marins y atterrissent et quatre sont en projet avec des problèmes sur la biodiversité marine et sur la privatisation d'espaces littoraux) est aujourd'hui colonisé par les centres de données. Dans la cité phocéenne, les 30 000 m² de centres de données consomment en électricité l'équivalent d'une ville de 150 000 habitants. Les demandes cumulées des divers opérateurs pour des projets en gestation donnent le vertige : c'est l'équivalent de la consommation de 600 000 habitants. Cela génère des problèmes de sécurité de notre réseau électrique avec des risques de délestage accrus et une incapacité du réseau électrique à pouvoir accueillir demain des activités plus pourvoyeuses d'emplois et s'inscrivant dans la transition écologique du territoire (à l'instar de l'électrification des navires à quai ou de plateformes de logistique décarbonée). Marseille est de surcroît déstabilisé sur le plan énergétique par le dédoublement spéculatif des besoins des infrastructures du numérique. C'est ainsi que cet hiver, des quartiers de Marseille risquent d'être victimes de possibles délestages sans que ne soient pénalisés les centres de données énergivores. Mettre en place des écoconditionnalités Des villes comme Amsterdam ont pris des moratoires sur les data centers. Stockholm a imposé à ces derniers des exigences drastiques, et des territoires comme l'Irlande ou Singapour, ayant joué sur l'attractivité fiscale des centres de donnés, se ravisent et réfléchissent pour des questions énergétiques à la mise en place d'un moratoire face à un modèle de développement insoutenable. Aussi, en Allemagne, des écoconditionnalités ont été mises en place par le nouveau gouvernement. En 2024 : 50 % des besoins énergétiques des centres de données devront être d'origine renouvelable (100 % en 2027). En 2025, 30 % de la chaleur fatale devra être réutilisée (40 % en 2027). Les parlementaires et les élus locaux doivent agir pour : une vraie planification territoriale ; une optimisation de l'impact spatial et énergétique de ces fermes de données ; et une revalorisation et un meilleur cycle de vie des matériaux du numérique. En France et en Europe, il faut mettre fin aux privilèges également octroyés à cette industrie, comme l'abattement sur le prix d'achat de l'électricité. La solution fiscale à mettre en place à l'échelle européenne afin de faire payer au juste prix ces industries aux bénéfices colossaux est de taxer la surface de stockage de données qui ne sont pas des marchandises inertes mais des matières précieuses productrices de valeur marchande. L'Union européenne doit créer une taxe sur le volume de données stockées dans ces data centers avec une redistribution du fruit de cette taxe pour financer les projets liés à la transition écologique des territoires (reconversion industrielle, infrastructures de transports collectifs, fret ferroviaire...). La question de la régulation des centres de données et de la taxation du stockage des données est un levier pour les pouvoirs publics pour reprendre la main face à la fuite en avant du numérique.
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